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Les para-commandos belges n’auraient pas dû sauter sur Stanleyville

Last updated on 6 mars 2021

« Dragon rouge », « Dragon noir », « Ommegang », pour beaucoup ces noms ne signifient rien. Ils désignent trois opérations militaires menées à l’automne 1964 par la Belgique au Congo avec l’accord du gouvernement congolais contre la rébellion marxiste qui occupe alors l’est du pays. Aujourd’hui, ces opérations sont au centre d’une polémique dont l’origine se trouve à Tervueren.

En 2013, le musée de Tervueren entame sa mue avec comme objectif  d’exposer une vision contemporaine et décolonisée de l’Afrique. Les travaux dureront 5 ans. Une nouvelle scénographie permet aujourd’hui aux visiteurs de découvrir les richesses des collections sur 11.000 m2, soit  près du double de l’ancien musée. On profite des travaux pour reléguer dans un sous-sol certaines pièces qui posent problème, comme la statue de l’homme léopard ou de certains pionniers de la colonisation  considérés de nos jours comme responsables de crimes.

Et pour faire complètement table rase du passé, le Musée Royal de l’Afrique centrale change de nom et devient l’AfricaMuseum.

Dès son ouverture au public, les critiques n’ont pas manqué. Certains reprochent de ne pas avoir été assez loin dans la dénonciation de la colonisation ; d’autres de dénaturer le travail accompli par la Belgique dans son ancienne colonie.

Ce sont surtout les 16 statues de la rotonde centrale qui font polémique. Comme le bâtiment, toutes ces sculptures sont classées. Il est donc interdit de les déplacer et de les jeter dans les oubliettes de l’Histoire. Ces allégories des bienfaits de la colonisation, toutes à la gloire de Léopold II, dérangent.

Ainsi pour contrebalancer l’imagerie et l’idéologie d’une époque révolue qu’elles dégagent, une sculpture contemporaine de l’artiste congolais Aimé Mpané a trouvé sa place au milieu de la rotonde.

Des statues « racistes »

Un aménagement jugé insuffisant par une commission des Nations-Unies. Dirigée par Dominique Day, une militante noire américaine, elle exige la disparition de ces statues racistes et demande que la Belgique reconnaisse les atrocités commises lors de la colonisation.

Pour répondre à ces exigences, mais sans enlever les statues, ces dernières ont été recouvertes de voiles sur lesquels sont imprimés des dessins contemporains.

Une sculpture « la Belgique apportant la sécurité au Congo » d’Arsène Maton, est superposée d’une œuvre de Jean-Pierre Müller. Elle représente un militaire belge et s’accompagne d’un texte : « Un para-commando belge à Stanleyville en 1964, lors de l’écrasement des rebelles Simba. L’indépendance formelle du Congo en 1960 est loin d’avoir sonné le glas des interventions étrangères »

Ce texte sans équivoque n’a rien d’artistique mais s’apparente à une prise de position politique et pose donc question. Peut-on laisser un artiste dire n’importe quoi au nom de la liberté de création ? Des propos aussi tranchés dans un endroit ouvert au public et dans un musée qui vise un rôle pédagogique sont-ils admissibles et ne demandent-ils pas au minimum une mise en perspective ?

Le parti pris affiché par l’artiste a poussé quatre associations représentant d’anciens para-commandos et officiers ayant servi en Afrique à porter plainte contre l’Etat fédéral pour obtenir la  suppression  d’un texte jugé comme une offense à leur honneur.

Mais au-delà de l’émotion et de l’indignation que cette « œuvre » provoque chez les anciens combattants, c’est la vérité historique qui est bafouée.

République populaire du Congo

Petit rappel. En janvier 1964, une insurrection dirigée par des rebelles marxistes s’étend à l’Est du Congo. La rébellion s’appuie sur de jeunes combattants de 12 à 20 ans. Ils s’appellent les Simbas (lion en swahili). Grâce à la consommation d’alcool et de drogues, principalement du chanvre, ils s’imaginent invulnérables.

Précédés d’une réputation de cruauté, ils s’emparent sans coup férir de la majeure partie des villes de l’Est du Congo.

En août 64, Stanleyville (aujourd’hui Kisangani) devient la capitale d’une éphémère « République populaire du Congo ».

Cet Etat marxiste sera reconnu par 7 pays dont l’URSS et l’Egypte de Nasser.

Dans les territoires qu’ils occupent, les Simbas se rendent coupables de viols, massacres, tortures. Des exactions commises tant sur les Blancs que sur les populations locales.

Quelques 1.900 étrangers dont 600 Belges sont retenus prisonniers. La majorité d’entre eux à Stanleyville et Paulis (aujourd’hui Isiro). En novembre 1964, les opérations aéroportées « Dragon rouge » et « Dragon noir » mettront fin au calvaire des otages. L’opération terrestre « Ommegang » complète le dispositif d’intervention.

Le témoignage de Patrick Nothomb

Patrick Nothomb, le père de l’écrivaine, alors jeune consul en poste à Stanleyville, a vécu ces quatre mois d’enfer sous la férule d’un pouvoir marxiste.

Le témoignage qu’il nous livre dans son livre « Dans Stanleyville » lève toutes les ambiguïtés. L’intervention des paras a permis d’éviter un bain de sang encore plus important, même si le bilan est lourd. 77 otages seront massacrés.

Ces interventions militaires sont aujourd’hui condamnées par certains groupes influencés par des théories venues d’outre-Atlantique. Entre autres, elles dénient à tous ceux qui ne sont pas de loin ou de près d’origine africaine le droit de parler, d’écrire, d’étudier certains sujets ayant trait à l’Afrique.

L’honneur des para-commandos

Réécrire l’Histoire au profit des idéologies du moment en occultant les faits n’est pas un travail d’historien mais au mieux une démarche politique, et au pire une œuvre de propagande.

C’est le cas de l’œuvre d’Arsène Maton comme celle de Jean-Pierre Müller avec une différence : ce dernier impose un texte dont le contenu ne peut se discuter. Ici, il n’est plus question d’allégorie mais d’une vérité que l’on assène aux visiteurs.