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Les contradictions du Professeur Marc Van Ranst

Last updated on 1 mars 2021

Le chef de service du laboratoire de l’UZ Leuven — un temps unique labo de référence pour la lutte contre le Covid-19 —, Marc Van Ranst est certainement le virologue le plus écouté en Flandre. Ancien commissaire Influenza, il est hyper-actif dans les médias et les réseaux sociaux. Idéologue, il apostrophe ses adversaires ou les supprime de son compte Facebook. Et change d’avis avec un extraordinaire aplomb. L’influence qu’il exerce sur l’ensemble des décideurs politiques est également incroyable vu ses nombreuses contradictions. A nos lecteurs de juger.

Tout d’abord, comme beaucoup d’autres, Marc Van Ranst a sous-estimé grandement la dangerosité du virus en tweetant le 26 février : « Chers gens de médias, ne prenez pas le coronavirus de Wuhan pour un virus tueur. L’année passée, 140.000 personnes sont mortes de rougeole, 770.000 du HIV, 450.000 de la malaria, 825.000 de la grippe et 1,5 million de la tuberculose. Je peux vous assurer que tous ces gens sont aussi morts que ceux qui meurent du coronavirus de Wuhan. »

Le lendemain, il estime qu’aller skier en Autriche ne pose aucun problème alors que ce pays arrête les premiers trains à la frontière. Quant au retour de ski d’Italie, alors que le pays enregistre 822 cas et 21 morts le 29 février, il déclare : « La semaine prochaine – après les vacances de ski en Italie – il y aura d’autres échantillons, de personnes qui pensent être malades. J’attends aussi beaucoup d’autres appels. La panique peut-être ? Ce n’est pas ce dont nous parlons. »

Pourtant, en même temps, à l’économiste Geert Noels qui lui demande de ne pas provoquer la panique, il explique, beaucoup plus alarmiste : « C’est plus contagieux que la grippe. C’est plus mortel que la grippe. Nous n’avons pas de vaccin. Personne n’a d’anticorps. Geert, c’est toi qui répands la panique ici. En fait, je me sens insulté. Pensez-vous vraiment que nous mentons ? »

Se laver les mains est suffisant, conseille-t-il le 28/02. « Lavez-vous bien les mains et faites-le normalement : c’est tout. » C’est l’époque insouciante où il déclare : « Non, vous n’avez pas besoin de mettre un masque » ; « Oui, vous pouvez partir en croisière ».

Un laboratoire monopolistique ?

Par un tour de passe-passe dont la Flandre a le secret, il obtient en début de pandémie que « son » laboratoire P3, fort de 200 membres du personnel, à l’UZ Leuven (il en est le chef de service) obtienne provisoirement le monopole des tests. Ce qui lui vaut d’organiser « une danse de joie (sic ! ) pour le premier patient corona ». Il s’agit de Philip Soubry, Belge rapatrié de Wuhan début février.

Le « monopole » du laboratoire de l’UZ Leuven pose des problèmes de capacités ? Une polémique avec le virologue de l’UZ Anvers, Herman Goossens, révèle une nouvelle contradiction de Marc Van Ranst. Herman Goossens plaide le 4 mars pour une approche à la hollandaise avec plusieurs laboratoires mais Van Ranst lui répond qu’on manque pour ce faire de réactifs en raison d’une pénurie mondiale. Goossens lui rétorque qu’à Anvers, ils n’ont aucun problème. Quelques temps après, Van Ranst va quand même acheter une deuxième machine pour augmenter les capacités… Cherchez la logique.

Il passera ensuite de l’optimisme au catastrophisme, après que l’appellation « Pande-mietje » (jeu de mot sur mietje = « chochotte ») se fut répandue sur Twitter. Il se réjouira d’avoir pu « faire peur aux Belges » et « que c’était nécessaire ».

L’aisance avec laquelle Van Ranst passe du blanc au noir avec la plus parfaite assurance, étonne (lire verbatim).

« Expérience » sur les enfants

Mais M. Van Ranst aime également les expériences. Le 19 mars dans Het Nieuwsblad, il explique : « Notre conseil était de ne pas fermer les écoles. Les enfants pourraient contribuer au développement de l’immunité de groupe. Les enfants sont importants pour construire l’immunité de groupe. Notre réflexe est toujours de protéger nos enfants. Tout à fait juste, bien sûr, mais pas dans ce cas. » Il persévère dans Knack (19/03), quelque peu darwinien : « Je comptais sur les écoliers pour contribuer à l’immunité de groupe. » Un mois plus tard, le 14 avril, dans l’émission De Afspraak (VRT, à visionner sur Youtube), il se rétracte et laisse entendre qu’il ne pourrait pas organiser une contamination de masse, car elle ne serait pas acceptée « émotionnellement dans notre société ». Répondant à Marteen Boudry, Van Ranst explique : « Non, [on ne peut pas contaminer les enfants] délibérément (…). Dans un monde sans émotions, vous pourriez faire cela, mais dans le monde réel, nous pensons que faire quelque chose de délibéré est bien pire qu’un acte de Dieu. » Peut-être s’est-il brusquement rappelé que depuis la 2e Guerre Mondiale, le Code de Nuremberg interdit de faire des expériences sur les humains sans tests animaux préalables ni sans le consentement du patient…

Au niveau politique, Marc Van Ranst se situe à l’extrême-gauche. Il ne s’en cache pas mais se défend d’être « communiste » et rappelle qu’il n’est pas encarté au PTB flamand. Il est cependant difficile de faire la part des choses entres ses « conseils avisés » en matière de virologie et son idéologie. C’est bien là le problème…

L’ancien recteur de la KUL Rik Torfs estimait d’ailleurs dans La Libre : « Il serait naïf de le considérer uniquement comme un virologiste expert. Il faut le voir comme quelqu’un qui a une vision assez extrême de la société. Il doit comprendre que son militantisme politique a des conséquences sur la crédibilité de ses opinions scientifiques. » L’actuel recteur de la KU Leuven, Luc Sels, ne voit, lui, rien à redire sur son positionnement politique.

Mansuétude envers la Chine

D’ailleurs, par rapport au régime communiste chinois, Van Ranst a curieusement déclaré : « Nous sommes trop obsédés par ce qui se passe à Pékin. Ces derniers jours, on en a parlé comme si c’était la fin du monde, mais en même temps, il y a eu autant de nouvelles infections chez nous. »

Le 9 mai 2020, il répond par l’affirmative à un journaliste de la VTM qui lui demande « s’il faut choisir entre la mort des gens et la mort des entreprises ». Lorsqu’il refuse d’élargir la bulle sociale de cinq personnes, n’est-il pas là aussi animé par ses idées collectivistes ? Le Pr Jean-Luc Gala, directeur médical des Cliniques universitaires Saint-Luc parle à propos des décisions des politiques poussés par Van Ranst « de mesures absurdes qui détruisent l’économie et punissent arbitrairement la population ». Et il n’est pas le seul à être agacé par un Van Ranst devenu hyper-prudent. Johanne Montay (RTBF) tweetera d’ailleurs que ses recommandations sur le maintien de la bulle sociale ont été plus suivies que celles de Yves Coppieters, expert francophone beaucoup plus réaliste et auteur d’un rapport critique pour la Commission parlementaire Coronavirus.

Homme d’influence

En outre, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, Van Ranst exerce une influence étrange et profonde sur la Droite flamande jusqu’à Theo Francken qui, après l’avoir allumé souvent sur Twitter en le traitant de « Dokter Haat » (Docteur Haine), estime qu’il est inutile désormais de polémiquer avec celui qui le considérerait en privé comme un « chic type ».

Très actif sur Facebook, Van Ranst bloque régulièrement ses contradicteurs trop avisés.

Il est craint par le monde académique et politique. Mais son bagout et son charisme en font un « bon client » pour la télé qui l’aide grandement à pérenniser son influence.

Un temps mis sur la touche du Celeval (Comité d’évaluation fédéral) où il n’était plus que le « remplaçant » d’Erika Vlieghe, il est revenu en force au début de la 2e vague épidémique. A force de clamer, dès juillet, qu’elle arriverait, il a été comblé de voir que ses prédictions s’étaient cette fois réalisées. A la faveur de la création du gouvernement De Croo, les virologues ont fait leur retour au plus haut niveau en tant que conseillers et Van Ranst a repris sa place d’influenceur en chef.

Mais l’avertissement du Pr Lieven Annemans, économiste flamand de la santé, à propos des « Drama Queen »  reste bien actuel. Il demandait en septembre 2020 « la mise sur pied urgente de nouveaux groupes de travail qui puissent enfin proposer des mesures scientifiquement prouvées efficaces, proportionnées au regard des autres problèmes de société et de santé publique, sans effets collatéraux néfastes et dans le respect de l’état de droit, de la démocratie et des libertés individuelles ».

Verbatim

Marc Van Ranst ne se trompe pas systématiquement, bien entendu. Et il a le droit, comme les autres experts corona, de se tromper ou de changer d’avis. Mais avec lui, il y a un côté girouette :

« La fermeture des frontières permet d’éteindre le virus et, en ce sens, la mise en quarantaine des zones ciblées s’avère efficace. Mais la question est de savoir si c’est proportionné et si cela représente la mesure la plus adéquate à prendre en ce moment. » (Le Soir, 9 mars). « Il est dangereux d’ouvrir les frontières européennes » (Het Laatste Nieuws, 2 juillet).

« Je ne pense pas que faire confectionner et porter des masques par toute la population belge va apporter grand-chose, du moins si on maintient les règles strictes en matière de distanciation sociale. Le port du masque n’est utile que pour les personnes malades. » (La Libre, 1er avril) « Les masques ne protègent pas contre les virus. » (VRT het Journaal, 28 février). « Non, porter un masque n’a aucun sens. » (Canvas, Terzake, 31 mars). « Les masques buccaux devraient devenir obligatoires dans les magasins. » (Twitter, 22 juin).